jeudi 6 octobre 2011

Le Skylab



          Juillet 1979, Albertine a 11 ans, des binocles rondes et rouges, des joues rondes et rouges, des longs cheveux qui semblent ne jamais avoir été démélés et une casquette en velours par-dessus tout ça. Elle vient d’arriver à Saint-Malo avec ses parents, artistes de rue parisiens, pour fêter l’anniversaire de sa grand-mère avec le reste de sa très grande famille. Albertine est née en 68 et a manifestement grandi dans l’idée que les enfants comprennent tout, si jamais on prend la peine de leur expliquer les choses. Ainsi, c’est elle qui renvoie dans les cordes le monsieur du train qui l’embête en demandant à voix haute si c’est bien les hommes comme lui qu’on appelle des satyres, c’est elle qui découvre que son vieil oncle Hubert n’est pas seulement un peu fatigué mais plutôt au bord du suicide, et c’est elle qui explique aimablement à sa cousine du même âge que peut-être leur fin à tous est proche puisque le Skylab, satellite américain expérimental, risque de s’écraser sur la Bretagne dans les heures qui viennnent.
      On suit donc l’organisation puis la fête d’anniversaire de la grand-mère par le biais des yeux de Titine et le spectateur est vite emmené dans un tourbillon de présentations des différentes branches de la famille. On est un peu perdu mais on reconnaît vite la famille française telle qu’on l’a tous un peu expérimenté : il y a là l’oncle un peu violent qui ne s’est pas remis de la guerre d’Algérie, la tante qui bégaie, celle avec qui ça ne rigole pas et qui balance des claques à la moindre occasion, cette autre tante institutrice un peu hippie, le cousin du même âge avec qui on joue au papa et à la maman, la petite cousine facétieuse, la mémé fragile qui n’entend plus rien et la mamie en pleine forme qui emmerde tout le monde. Tous sont incarnés par des membres de la bonne vieille famille du cinéma français, Bernadette Lafont en tête, mais aussi Emmanuelle Riva, Eric Elmosnino, Noémie Lvosvsly, Denis Ménochet, Valérie Bonneton. On se surprend à aimer cette comédie un peu popu, qui nous rappelle non seulement les maillots de bain en éponge mais aussi les surboums où l’espoir d’embrasser le DJ nous obnubile toute la soirée, les dîners où on finit par parler politique et où quelques verres de vin suffisent aux giscardiens et aux mitterandistes pour casser la vaisselle et se menacer du poing, les nuits sous la tente à raconter des histoires qui font peur.
      Pourtant, le film ne se complaît pas dans le cliché des films de famille un peu minaudiers et gniangnian et ne tombe pas non plus du côté glauque des grands raout familiaux filmés façon lavage de linge sale en famille comme Festen de Vinterberg. Il y a de l’invention dans le film de Julie Delpy, qui apparaît d’ailleurs dans le choix du titre : un nom énigmatique qui nous parle d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître pour évoquer une jolie et chaleureuse chronique familiale. Le Skylab est un film qui a le goût des bonbons soucoupes (volantes) de notre enfance, un peu fade à l’extérieur mais avec de la poudre acide à l’intérieur.

Le Skylab de Julie Delpy
Durée : 01h53
Sortie le 5 octobre 2011

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