vendredi 10 février 2012

Elles



     Anne, quarante ans, journaliste chez ELLE, a une vie bien rangée. Elle vit dans un appartement luxueux au centre de Paris, avec un mari affectueux et ses deux fils, un adolescent rigolard et un enfant câlin. Son métier lui laisse le temps de pratiquer le yoga dans son salon ou d’écouter Radio Classique sans être dérangée. Pour un dossier important à paraître dans son magazine, elle a décidé d’enquêter sur les étudiantes qui se prostituent. Elle a approché deux jeunes filles en particulier, Charlotte, française d’origine modeste, et Alicja, étudiante polonaise perdue dans la capitale française. D’abord un peu méprisante envers elles, Anne finit par être troublée par leurs confessions qui secouent la bourgeoise frustrée qu’elle est devenue.
     Le film de Malgorzata Szumowska repose sur deux partis pris audacieux. De manière formelle, le film a un découpage pour le moins surprenant. Il s’agit de suivre Anne dans une journée ordinaire : on la voit qui essaye de terminer son papier pour le soir, mais aussi qui prépare un dîner mondain pour le patron de son mari, qui s’occupe de son fils ado qui sèche les cours, le tout en répondant sans cesse au téléphone et en allant acheter des fleurs, etc. Ces séquences conductrices, qui ne sont pas sans évoquer Vingt-quatre heures de la vie d’une femme ou Mrs Dalloway, sont entrecoupées de séquences où l’on voit Anne interviewer les jeunes filles, elles-mêmes entrecoupées de séquences détaillant les rendez-vous sexuels de celles-ci avec leurs clients. Le choix des récits dans le récit est discutable car il rend le film brouillon, difficile à comprendre et à suivre. En outre, la manière qu’a Szumowska de filmer les scènes de sexe est surprenante aussi, les séquences étant accompagnées lyriquement de morceaux classiques, mêlant le graveleux au noble de manière décomplexée et un peu déroutante. 
      Quant au propos du film, il est un peu attendu mais déconcertant tout de même. On apprécie que la réalisatrice ne se lance pas dans une analyse sociologique de la prostitution estudiantine. Mais le bouleversement qu’amène cette enquête dans la vie de la journaliste, à un moment où elle ne semble plus rien contrôler de ce qui l’entoure (on découvre son appartement empli d’objets disfonctionnels, son mari accro aux pornos, son ado fumeur de shit, son jeune fils joueur fou de jeux vidéo, etc), n’est pas vraiment crédible, notamment lorsque Anne en vient à envier les jeunes escort girls. On retient de Elles une scène de dîner qui tourne au cauchemar très bien tournée de manière fantastique et le jeu de Juliette Binoche, dont le visage filmé très souvent en gros plan, porte le film à lui seul.

Elles de Malgorzata Szumowska
Durée : 01h36
Sortie le 01 février 2012

mardi 7 février 2012

The Descendants



     Hawaï, 2011. Matt King, interprété par George Clooney, est à l’hôpital au chevet de sa femme plongée dans un lourd coma. Il lui murmure à l’oreille qu’il faut qu’elle se réveille parce ce qu’il se sent enfin prêt pour la vie de famille, enfin prêt pour être un bon père et surtout un bon mari. Mais les médecins ne sont pas optimistes, et Matt King décide de préparer ses deux filles, Scottie et Alexandra, à la mort de leur mère. Alexandra, ado rebelle, montre tant de griefs envers la mourante que son père l’interroge et finit par apprendre que sa fille a surpris quelques mois auparavant sa femme avec un autre homme. Matt King n’a pas l’occasion d’avoir une explication avec sa femme qui meurt rapidement. Entre l’organisation des funérailles et l’organisation de la vente à des promoteurs des dernières plages vierges des îles, appartenant à sa famille depuis des siècles, Matt King est débordé. Il décide sur un coup de tête de partir à la recherche de l’amant de sa femme défunte, emmenant dans cette enquête drolatique ses deux filles et Syd, le boyfriend un peu débile de son aînée.
     Alexander Payne livre avec The Descendants un film dans la même veine que son précédent métrage, Sideways, et conserve ainsi, malgré la présence au casting de George Clooney, son statut de cinéaste indépendant et décalé. Ici, il prend le parti de filmer avant tout à contre-emploi : Hawaï, lieu mythique s’il en est, devient un décor oppressant, obsédant, la nature prenant le pas sur les sentiments des personnages ; George Clooney trouve dans le personnage de Matt King un rôle dramatique dans lequel il s’épanouit, laissant de côté son image de vieux beau blagueur et dragueur pour laisser percer un jeu tout en nuance et finesse, qui va de la violence à la comédie sans jamais tomber dans l’excès. Le reste du casting est très réussi, avec une mention spéciale pour Shailene Woodley, très bonne dans le rôle de l’ado révoltée et la jeune Amara Miller qui n’est pas sans rappeler une certaine little miss sunshine. The Descendants fait le pari de mettre en scène les sujets un peu clichés de la famille éclatée et de l'homme perdu qui tente de renouer les liens à la fois avec ses racines et sa descendance, et, grâce à « gorgeous George », l'essai est tout à fait transformé.

The Descendants de Alexander Payne
Durée : 01h50
Sortie le 25 janvier 2012