jeudi 27 octobre 2011

L'exercice de l'État



★☆

L'exercice de l'État de Pierre Shoeller
Durée : 01h52
Sortie le 26 octobre 2011

mercredi 26 octobre 2011

Les marches du pouvoir


     Six ans après l’excellent Good night and good luck, George Clooney repasse derrière la caméra pour nous présenter à nouveau un film politique adapté d’une pièce de théâtre de Beau Willimon. Le titre original du film, The Ides of March, donne le la en faisant référence à l’assassinat de Jules César pendant les Ides de Mars en 44 avant Jésus-Christ. Le film nous présente en effet des puissants contemporains sur le devant d’une scène politique dans les coulisses de laquelle se joue une véritable tragédie. Stephen Meyers, joué par Ryan Gosling, est un jeune conseiller surdoué au service du sénateur démocrate Mike Morris, incarné par George Clooney. À quelques mois des élections présidentielles, la campagne des primaires démocrates bat son plein. Stephen travaille d’arrache-pied pour soutenir Morris qu’il considère sincèrement comme étant le meilleur des deux candidats. Pourtant, il va se heurter malgré lui à la noirceur du monde politique, avec tout ce qu’il peut contenir de manipulations, de coups bas, et de désillusions.
     On peut regretter quelques instants le regard peut-être un peu trop cynique que George Clooney porte sur la politique américaine, lui qui est pourtant fervent démocrate dans la vraie vie, ainsi que la parabole sur le pouvoir et l’ambition, gentiment acerbe. Mais on comprend vite que ce que le film a de plus passionnant se joue dans la relation entre le personnage joué par Gosling et celui joué par Clooney. Le sénateur Morris, pourtant sur toutes les affiches, les bus de campagne, les pancartes plantées dans les jardins, n’est jamais placé au centre du récit. Il évolue dans l’ombre, tandis que le jeune conseiller en communication, travaillant pour sa part en coulisse, est exposé en pleine lumière. Il semblerait que Clooney ait décidé, en adoptant cette posture dans son dernier film, de passer le flambeau à Ryan Gosling, star montante de Hollywood.
     Si Les marches du pouvoir est un véritable thriller, avec tous les ingrédients du genre assaissonés à la perfection, il n’en reste pas moins que c’est un film un peu lisse, que l’on a presque l’impression d’avoir déjà vu. Ryan Gosling campe honnêtement le jeune conseiller aussi doué qu’idéaliste, George Clooney est très bon en puissant avançant dans l’ombre, les seconds rôles sont exemplaires (très bonne Marisa Tomei en journaliste véreuse et excellent Phillip Seymour Hoffman en directeur de campagne loyal et un peu désabusé), mais l’intrigue, pourtant bien ficelée, donne l’impression d’un énième film sur la faiblesse des dirigeants. Peut-être est-ce parce qu’il colle trop à l’actualité, entre campagne des primaires et scandale sexuel ?
     Malgré tout, Les marches du pouvoir est un film mordant brillament construit et exécuté qui s’ouvre et se ferme en miroir par un plan serré sur le visage de Ryan Gosling. Entre ces deux plans qui figent deux expressions très différentes et sans équivoque, il ne s’est déroulé qu’une heure et trente-cinq minutes. Preuve, s’il en fallait encore, que George Clooney a réussi un film précis, nerveux, habile et surtout incisif. La vraie classe américaine. 


Les marches du pouvoir de George Clooney
Durée : 01h35
Sortie le 26 octobre 2011

jeudi 20 octobre 2011

Polisse


     Ce film est basé sur des affaires traitées par la Brigade de Protection des Mineurs de Paris. Dès la bande-annonce, le ton était donné. On n’est pas là pour rigoler, dans Polisse tout sera vrai. La vérité, c’est le cheval de bataille de Maïwenn. Elle se penchait déjà dessus dans Pardonnez-moi, son premier film, où une jeune femme enceinte cherche la vérité sur sa famille, puis dans Le bal des actrices où elle s’interrogeait sur le véritable visage des femmes qui sont aussi actrices. Dans Polisse, elle entreprend donc de faire un film de fiction sur des histoires vraies, en racontant le quotidien des policiers de la BPM, à leur travail mais aussi chez eux. On suit donc une dizaine de flics, guidés par Fred, le personnage joué par Joey Starr. Maïwenn, elle, se met en scène dans le personnage de Mélissa, photographe bobo mandatée par le ministère de l’intérieur pour faire un livre sur la brigade. D’abord narquois puis agressif envers Mélissa dont il ne supporte pas le regard sur son travail, Fred finira par tomber amoureux de la photographe. Et quand il lui demande pourquoi elle porte ces lunettes et ce chignon un peu vieillots, Maïwenn répond « j’avais peur qu’on ne me prenne pas au sérieux ». 
     Et en effet, difficile de la prendre, elle, au sérieux, de prendre Polisse au sérieux. Entre l’orthographe du titre (elle voulait l’écrire Police et déclare en interview "Oh je m'en fous ! Pialat il m'emmerde ! Il n'a rien inventé"*, mais son producteur n’a pas voulu. Dommage.), le film qui s’ouvre maladroitement au son du générique de L’Île aux enfants,  le montage de la première partie qui se veut dialectique mais qui n’est que lourdaud (une scène d’un flic au travail est systématiquement suivie d’une scène de ce même flic chez lui, pour bien faire comprendre à quel point ce boulot de dingue fait exploser, peu ou prou, tous les couples et ne permet aucune vie personnelle), on a l’impression d’assister à des épisodes améliorés d’une série télé collés bout à bout.
     C’est qu’à force de chercher à faire de ses acteurs des personnages criants de vérité, on ne s’entend plus penser. Les acteurs hurlent sans discontinuer, et au royaume de Polisse, l’obscène est roi et la vulgarité reine. La brigade est constituée d’un panel de la population si représentatif que les instituts de sondage ne le bouderaient pas. La brochette d’acteurs dont s’entoure Maïwenn, du reste tous excellents, permet de nous présenter l’intello incompris, la beurette au grand coeur, la frigide anorexique, la divorcée romantique, la lesbienne bonne copine, etc., et de nous présenter un second catalogue, celui des drames quotidiens et de la violence ordinaire dont l’accumulation donne le tournis tant aucune situation n’est laissée de côté. Jouer elle-même le personnage de la photographe est légèrement grossier, même si l’on comprend bien que Maïwenn a adopté cette posture pour montrer qu’en tant que cinéaste, elle s’est interrogée sur la juste distance à produire entre les faits et l’enregistrement du réel.
     Mais la bonne distance n’est pas trouvée, même si certaines scènes sont réussies, même si on sent l’énergie un peu hystérique qu’il existait entre les acteurs, même si certains dialogues sont percutants. La scène finale, composée d’un montage parallèle entre deux séquences filmées au ralenti (celle d’un suicide et donc d’une chute, et celle d’un saut et donc d’une résilience) est tellement lourde de symbolique qu’elle en devient risible.

* Interview de Maïwenn parue dans l’Express le 19/10

Polisse de Maïwenn
Durée : 02h07
Sortie le 19 octobre 2011

jeudi 13 octobre 2011

Un monstre à Paris


     Dans le Paris de 1910, il y a la Seine qui déborde et la Tour Eiffel qui a les pieds dans l’eau, il y a aussi un jeune homme timide, Émile, et son ami fanfaron, Raoul, qui se retrouvent par hasard dans le grand laboratoire du jardin des Plantes. En manipulant des fioles, ils créent une puce géante et mélomane. Le préfet de police profite de la présence de ce monstre dans la ville pour changer les idées des Parisiens et éviter qu’ils ne pensent trop à la crue du fleuve. Il espère pouvoir se faire élire maire de Paris s’il parvient à capturer la bête. Ce qu’il ignore, c’est que le monstre a été pris sous l’aile de Lucille, la jolie chanteuse du célèbre cabaret de Montmartre, L’Oiseau Rare. Lucille, d’abord effrayée par l’apparence puis séduite par la voix de la créature, lui donne un prénom, Francoeur, l’aide à se travestir pour ne plus effrayer les gens et l’intègre même dans son numéro de chant.
  Dans les très beaux et délicats dessins qui forment le décor du film, on assiste à une chasse au monstre qui nous emmène de Montmartre à la Tour Eiffel, en passant par le Pont des Arts et le jardin des Plantes. Sous la nuit, sous la pluie, Paris est belle, et le charme désuet de la ville au début du siècle opère. Les premières automobiles, les premiers cinémas, l’ambiance du cabaret, la cour gentiment doucereuse que fait le préfet à la belle Lucille, tout est dessiné justement et apporte au film un petit supplément d’âme. Les dessins animés mettent souvent en scène des bêtes personnifiées et Un monstre à Paris ne déroge pas à la règle mais du côté de l’intrigue, il innove en proposant un récit entre Jules Verne et Mary Shelley, plein de péripéties et de rebondissements qui s’enchainent sans un seul temps mort. Ce rythme soutenu n’empêche cependant pas au film de composer des personnages secondaires bien construits et de laisser ça et là des clins d’oeil à de belles références (King Kong, Le Fantôme de l’opéra) qui feront sourire les plus grands.
  Porté par les voix de Gad Elmaleh, François Cluzet, Ludivine Sagnier, mais surtout celles de Vanessa Paradis et de Mathieu Chédid, le film propose une bande-orginale de toute beauté et un morceau phare, évidemment intitulé La seine. Un monstre à Paris est un joli film d’animation sur l’acceptation de la différence, sur l’amitié et sur la solidarité. Autant de raisons, à l’heure actuelle, pour le montrer aux enfants qui, entre 6 et 12 ans, l’adoreront certainement.



Un monstre à Paris de Éric Bergeron
Durée : 01h22
Sortie le 12 octobre 2011

jeudi 6 octobre 2011

Le Skylab



          Juillet 1979, Albertine a 11 ans, des binocles rondes et rouges, des joues rondes et rouges, des longs cheveux qui semblent ne jamais avoir été démélés et une casquette en velours par-dessus tout ça. Elle vient d’arriver à Saint-Malo avec ses parents, artistes de rue parisiens, pour fêter l’anniversaire de sa grand-mère avec le reste de sa très grande famille. Albertine est née en 68 et a manifestement grandi dans l’idée que les enfants comprennent tout, si jamais on prend la peine de leur expliquer les choses. Ainsi, c’est elle qui renvoie dans les cordes le monsieur du train qui l’embête en demandant à voix haute si c’est bien les hommes comme lui qu’on appelle des satyres, c’est elle qui découvre que son vieil oncle Hubert n’est pas seulement un peu fatigué mais plutôt au bord du suicide, et c’est elle qui explique aimablement à sa cousine du même âge que peut-être leur fin à tous est proche puisque le Skylab, satellite américain expérimental, risque de s’écraser sur la Bretagne dans les heures qui viennnent.
      On suit donc l’organisation puis la fête d’anniversaire de la grand-mère par le biais des yeux de Titine et le spectateur est vite emmené dans un tourbillon de présentations des différentes branches de la famille. On est un peu perdu mais on reconnaît vite la famille française telle qu’on l’a tous un peu expérimenté : il y a là l’oncle un peu violent qui ne s’est pas remis de la guerre d’Algérie, la tante qui bégaie, celle avec qui ça ne rigole pas et qui balance des claques à la moindre occasion, cette autre tante institutrice un peu hippie, le cousin du même âge avec qui on joue au papa et à la maman, la petite cousine facétieuse, la mémé fragile qui n’entend plus rien et la mamie en pleine forme qui emmerde tout le monde. Tous sont incarnés par des membres de la bonne vieille famille du cinéma français, Bernadette Lafont en tête, mais aussi Emmanuelle Riva, Eric Elmosnino, Noémie Lvosvsly, Denis Ménochet, Valérie Bonneton. On se surprend à aimer cette comédie un peu popu, qui nous rappelle non seulement les maillots de bain en éponge mais aussi les surboums où l’espoir d’embrasser le DJ nous obnubile toute la soirée, les dîners où on finit par parler politique et où quelques verres de vin suffisent aux giscardiens et aux mitterandistes pour casser la vaisselle et se menacer du poing, les nuits sous la tente à raconter des histoires qui font peur.
      Pourtant, le film ne se complaît pas dans le cliché des films de famille un peu minaudiers et gniangnian et ne tombe pas non plus du côté glauque des grands raout familiaux filmés façon lavage de linge sale en famille comme Festen de Vinterberg. Il y a de l’invention dans le film de Julie Delpy, qui apparaît d’ailleurs dans le choix du titre : un nom énigmatique qui nous parle d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître pour évoquer une jolie et chaleureuse chronique familiale. Le Skylab est un film qui a le goût des bonbons soucoupes (volantes) de notre enfance, un peu fade à l’extérieur mais avec de la poudre acide à l’intérieur.

Le Skylab de Julie Delpy
Durée : 01h53
Sortie le 5 octobre 2011