Ce film est basé sur des affaires traitées par la Brigade de Protection des Mineurs de Paris. Dès la bande-annonce, le ton était donné. On n’est pas là pour rigoler, dans Polisse tout sera vrai. La vérité, c’est le cheval de bataille de Maïwenn. Elle se penchait déjà dessus dans Pardonnez-moi, son premier film, où une jeune femme enceinte cherche la vérité sur sa famille, puis dans Le bal des actrices où elle s’interrogeait sur le véritable visage des femmes qui sont aussi actrices. Dans Polisse, elle entreprend donc de faire un film de fiction sur des histoires vraies, en racontant le quotidien des policiers de la BPM, à leur travail mais aussi chez eux. On suit donc une dizaine de flics, guidés par Fred, le personnage joué par Joey Starr. Maïwenn, elle, se met en scène dans le personnage de Mélissa, photographe bobo mandatée par le ministère de l’intérieur pour faire un livre sur la brigade. D’abord narquois puis agressif envers Mélissa dont il ne supporte pas le regard sur son travail, Fred finira par tomber amoureux de la photographe. Et quand il lui demande pourquoi elle porte ces lunettes et ce chignon un peu vieillots, Maïwenn répond « j’avais peur qu’on ne me prenne pas au sérieux ».
Et en effet, difficile de la prendre, elle, au sérieux, de prendre Polisse au sérieux. Entre l’orthographe du titre (elle voulait l’écrire Police et déclare en interview "Oh je m'en fous ! Pialat il m'emmerde ! Il n'a rien inventé"*, mais son producteur n’a pas voulu. Dommage.), le film qui s’ouvre maladroitement au son du générique de L’Île aux enfants, le montage de la première partie qui se veut dialectique mais qui n’est que lourdaud (une scène d’un flic au travail est systématiquement suivie d’une scène de ce même flic chez lui, pour bien faire comprendre à quel point ce boulot de dingue fait exploser, peu ou prou, tous les couples et ne permet aucune vie personnelle), on a l’impression d’assister à des épisodes améliorés d’une série télé collés bout à bout.
C’est qu’à force de chercher à faire de ses acteurs des personnages criants de vérité, on ne s’entend plus penser. Les acteurs hurlent sans discontinuer, et au royaume de Polisse, l’obscène est roi et la vulgarité reine. La brigade est constituée d’un panel de la population si représentatif que les instituts de sondage ne le bouderaient pas. La brochette d’acteurs dont s’entoure Maïwenn, du reste tous excellents, permet de nous présenter l’intello incompris, la beurette au grand coeur, la frigide anorexique, la divorcée romantique, la lesbienne bonne copine, etc., et de nous présenter un second catalogue, celui des drames quotidiens et de la violence ordinaire dont l’accumulation donne le tournis tant aucune situation n’est laissée de côté. Jouer elle-même le personnage de la photographe est légèrement grossier, même si l’on comprend bien que Maïwenn a adopté cette posture pour montrer qu’en tant que cinéaste, elle s’est interrogée sur la juste distance à produire entre les faits et l’enregistrement du réel.
Mais la bonne distance n’est pas trouvée, même si certaines scènes sont réussies, même si on sent l’énergie un peu hystérique qu’il existait entre les acteurs, même si certains dialogues sont percutants. La scène finale, composée d’un montage parallèle entre deux séquences filmées au ralenti (celle d’un suicide et donc d’une chute, et celle d’un saut et donc d’une résilience) est tellement lourde de symbolique qu’elle en devient risible.
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Interview de Maïwenn parue dans l’Express le 19/10
Polisse de Maïwenn
Durée : 02h07
Sortie le 19 octobre 2011